A écouter de nombreux experts , et responsables politiques ,
l’innovation serait le remède à toutes nos maladies sociétales. Alors que la
médecine des êtres humains est sortie depuis longtemps de l’aire des potions
magiques pour entrer dans une aire scientifique qui a produit de très nombreux progrès,
on a l’impression que dès qu’on aborde des sujets qui ne touchent plus à l’individu
mais à la collectivité, on reste enfermé dans l’aire des potions magiques, ou
du « il guérira tout seul avec le temps ».
Actuellement un phénomène de
contagion incite tout le monde à mettre en œuvre, d’un seul coup, tous les
moyens possibles pour « pousser à innover » comme si l’innovation
était un moteur socio-économique qu’il suffisait d’allumer partout pour soigner
toutes les maladies de notre Société. On n’hésite pas à recourir à de nouveaux
termes pour se faire remarquer comme « open innovation », etc.
Comme tous les décideurs publics
ou privés mettent d’énormes moyens à la disposition de tous ceux qui veulent
innover, le nombre de créateur s’accroît non par compétence mais par
opportunité.
Ayant travaillé depuis plus de
vingt ans dans le domaine de la recherche et de l’innovation, j’ai pu observer
une évidence « notre potentiel d’innovation est peu extensible ». Ce
n’est pas un gisement minier qu’il suffit de mieux exploiter.
Ce n’est pas parce qu’on augmente
le nombre de chercheurs dans un centre que les résultats exploitables de la
recherche augmente. Le nombre de publications augmente puisque les chercheurs
sont jugés sur la quantité de publication qu’ils produisent, mais les usages
que la Société peut en faire restent stables, voir diminues. Le général de
Gaulle ne disait-il pas déjà à l’époque : « on cherche des chercheurs
qui trouvent et on trouve des chercheurs qui cherchent »
Ce n’est pas en en augmentant les
ressources consacrées à l’innovation qu’on accroît la capacité d’innover.
On a l’impression qu’on dépose de
l’engrais (moyens financiers, mises en situation favorable, etc.) sur un
terrain sans avoir planté des graines auparavant, ou sur des graines sans
savoir ce qu’elles peuvent produire.
Si une certaine incertitude est
nécessairement une des composantes de l’innovation, elle doit être gérée comme
tous les autres paramètres d’un projet.
La dynamique de l’évolution du
potentiel d’innovation est complexe. Les résultats exploitables des innovations
ne sont pas proportionnels aux investissements.
Il faut continuer à innover, mais
de manière plus rentable et comme en médecine expérimenter de manière plus
scientifique d’autres médicaments pour soigner nos maladies sociétales.
Il y a sans doute d’autres moyens
moins coûteux et moins stressant pour résoudre nos problèmes de société. Le bon
sens, l’observation, l’écoute, peuvent simplement souvent permettre d’étendre à
l’échelle d’une société des solutions validées localement.
Je suis persuadé que nous
possédons de nombreux « médicaments sociétaux » que nous n’utilisons pas
simplement par peur des effets secondaires. (Pressions corporatives)
Le médecin a-t-il peur de ses patients ?