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dimanche 8 décembre 2019

Un bref récit historique de l’usage de la qualité


Il n’est peut-être pas inutile de proposer aux dirigeants des entreprises et aux  jeunes générations de qualiticiens un résumé, sans doute simpliste, mais digeste, de l’évolution des usages de la qualité par les entreprises, depuis la deuxième partie du vingtième siècle.

Souvent, l’histoire récente de la qualité est présentée sous un angle technique qui décrit bien plus l’évolution des modes de production de la qualité dans les entreprises, que celle  des usages qu’elles en ont fait.

Mais l’entreprise investit dans la qualité pour s’en servir. Comment  ces usages ont-ils évolué ?


Après la seconde guerre mondiale

Après la seconde guerre mondiale l’entreprise utilise  la qualité dans l’industrie pour éviter que les produits, non-conformes aux spécifications annoncées, soient livrés aux clients.  (Digue des non-qualité livrées)

Ces digues qui prennent la forme de contrôles finaux, mettent en évidence des coûts élevés de non-qualité.

Les entreprises industrielles rentrent alors dans une phase d’usage de la qualité destinée à corriger les non-qualité au plus près de leur production ; pour réduire ces coûts.

Ensuite, toujours pour réduire les coûts, les entreprises mettent en place sur les postes de travail des systèmes de maîtrise des risques d’apparition de ces non-qualité.

Ces démarches perdurent aujourd’hui et constituent un des axes du socle de base de l’usage de la qualité.

A cette époque, l’entreprise s’intéresse peu à la satisfaction des clients parce que l’économie de production est présente dans tous les secteurs d’activités.

Les services sont peu développés, faiblement valorisés, et conservent une forme artisanale. L’usage de la qualité dans les services est alors destiné à fidéliser le client en lui montrant  « l'art de bien faire du personnel en front office ».


A partir des années 80

A partir des années 80, les donneurs d’ordres utilisent le pouvoir économique qu’ils ont acquis sur leurs fournisseurs pour réduire la non-qualité que ces derniers leur livrent.  Souvent, ces fournisseurs n’ont pas encore pu investir comme eux pour limiter les coûts internes de non-qualité. Ils exigent que les fournisseurs se conforment aux règles de production de la qualité qu’ils ont appliqué en interne. La mondialisation accentue ces initiatives. (Certification, audits externes)
De leur côté, les fournisseurs, qui sont encore souvent des entreprises petites et moyennes, utilisent la qualité pour conserver les donneurs d’ordres comme clients, en respectant les règles qui leur sont imposées dans leurs modes de production. (Assurance qualité interne)

L’assurance qualité constitue le deuxième axe du socle de base de l’usage de la qualité.

De nombreuses entreprises cherchent également à utiliser la qualité pour développer les dynamiques d’amélioration continue en mobilisant les compétences du personnel qui contribue à la production de valeurs. Elles ont recours à des techniques appliquées au Japon. (Cercles qualité, Lean, etc.)

La qualité, utilisée comme  levier pour améliorer la productivité par un management collaboratif de type « bottom up »  est le troisième axe du socle de base de l’usage de la qualité.

Les donneurs d’ordres commencent à sentir également la pression de la concurrence et développent leur force de vente et leur anticipation de l’évolution des marchés. La qualité est alors utilisée, avec le marketing, comme moyen pour satisfaire des clients afin de les fidéliser. Elle s’intègre aux services associés aux produits et des mécanismes de « réactivité à l’écoute des clients » se développent.  On fait pénétrer la « voix du client » dans l’entreprise

Cet usage de la qualité s’étend alors aux activités de services qui sont en plein développement, La qualité des services est utilisée pour éviter les pertes de clients dues à des dysfonctionnements critiques en « front office » visibles par les clients. (Standardisation des services)

La qualité utilisée pour fidéliser  le client est le quatrième axe du socle de base de l’usage de la qualité.


A la fin du vingtième siècle

A la fin du vingtième siècle de nouvelles exigences des clients apparaissent. Le client est un citoyen qui prend conscience de risques environnementaux et sociétaux. Il attache de plus en plus d’importance à la maîtrise de ces risques. L’entreprise utilise alors la qualité pour se conformer à des normes sociétales.

La qualité utilisée pour répondre aux exigences sécuritaires et de protection de l’environnement est le cinquième axe du socle de base de l’usage de la qualité

Ces différentes formes d’usages de la qualité se superposent en couches géologiques dans les entreprises, et leur imposent des usages « défensifs » de la qualité. L’usage de la qualité est globalement perçu comme une protection contre des évolutions socio économiques environnementales incontournables. Il a un coût de plus en plus élevé. Le service qualité que l’entreprise a dû créer, coûte cher et impose des contraintes qui réduisent les espaces de développement. .


Au début du vingt et unième siècle

Au début du vingt et unième siècle, la pression concurrentielle s’exerce d’une manière de plus en plus forte sur les entreprises, et les clients sentent qu’ils peuvent prendre le pouvoir dans les échanges avec elles. L’entreprise ne peut plus utiliser uniquement la qualité pour se défendre, mais prend conscience qu’elle peut l’utiliser pour créer des contre pouvoirs en  perçant les marchés grâce à   l’innovation, et aux  performances des nouveaux modes de communication.

Cet usage offensif de la qualité permet alors des croissances rapides à l’échelle mondiale.

L’innovation : technologique, et dans les services, associée au marketing mis au service de la créativité et d’une qualité offensive, provoquent des effets de levier considérables et laissent les concurrents sur place. Ce nouvel usage de la qualité ne repose plus sur des méthodologies de maîtrise de la variabilité et de conformité à des référentiels, mais sur des nouvelles méthodologies de « régulation dynamique du développement » ciblées par le marketing.

La qualité utilisée pour percer les marché saturés est le sixième axe du socle de base de l’usage de la qualité.

Depuis quelques années

Enfin depuis quelques années, l’entreprise est soumise, dans les pays développés, à une évolution de son corps social.  La concurrence s’étend au recrutement de son personnel. Le management est en crise.

Certaines entreprises cherchent à utiliser la qualité dans les échanges entre les managers et leurs collaborateurs, pour les attirer, les motiver, et les fidéliser. La qualité doit appliquer des méthodologies analogues à celles mises en œuvre récemment dans les échanges avec les acteurs des  marchés. Cette nouvelle évolution de l’usage de la qualité provoque des mutations profondes dans les modes de management et de recrutement.

La qualité utilisée pour accroître d’adhésion, et la participation du personnel est le septième axe du socle de base de l’usage de la qualité.

Toutes ces évolutions de l’usage de la qualité par les entreprises qui s’accumulent, renforcent le rôle des services qualité et imposent  : de reconsidérer les formations de leur personnel, et de faire évoluer leurs missions et leur organisation.


Peut-on dresser un bilan de cette histoire récente ?

Il faudrait réaliser une analyse scientifique qui n’est pas de nos compétences. Nous pouvons cependant prendre le risque de donner un point de vue.

Les entreprises qui n’ont pas suivi ces évolutions ont pratiquement disparu.

Les efforts accumulés pour utiliser la qualité ont été peu payants lorsque les entreprises ont fait du mimétisme (rien à voir avec le «Benchmark  »).

Les axes de progrès engagés ont souvent été modifiés avant que les retours sur investissement soient complètement obtenus. (Changement de manager, et de responsable du service qualité, nouvelles priorités, etc.)

Les mesures de retour sur investissement des démarches qualité ne sont pas toujours faites. On se limite à des mesures de satisfaction des clients, ou de coûts d’obtention de la qualité, ce qui ne motive pas suffisamment les dirigeants.

Les stratégies trop souvent défensives des démarches qualité leur donnent un caractère obligatoire, imposé, dépensier, rigide, artificiel, déconnecté des priorités économiques de l’entreprise.

Nous avons rencontré des entreprises qui ont obtenu des succès importants et durables en intégrant complètement, spécifiquement, et le plus naturellement possible, l’usage de la qualité à leur culture et à leurs ambitions.  Ces entreprises, en général, n’ont pas subi les effets de mode, et évitent de communiquer sur leurs démarches qui sont devenues un de leurs principaux facteurs de compétitivité. Elles sollicitent des visites d’experts pour réaliser des diagnostics ouvrant sur de nouvelles pistes de progrès. Elles font signer systématiquement des clauses de confidentialité à ces consultants.

Mais nous avons aussi rencontré des entreprises qui, en plein succès de leurs démarches qualité, ont régressé rapidement à la suite de mauvais choix méthodologiques ou stratégiques qui ont traumatisé leur corps social.


Le potentiel de performance offert à l’entreprise par un bon usage de la qualité reste un équilibre très fragile.