On appelle qualité réflexive d’une action l’appréciation de son « bien fait » par son auteur
Cette appréciation globale résulte d’un
ensemble de perceptions du producteur qui peuvent se modéliser de la manière
suivante :
Perceptions
· d’espérances de satisfaction personnelle;
· de maîtrise des risques de perte de confiance dans sa propre capacité à produire l’action conforme à ce qu'on a prévu;
· de conformité à ce qu'on a prévu, pendant et à l’issue de l’action
· de satisfaction personnelle conforme à ce qu'on a espérances;
Ces différentes classes de perceptions
sont appelées : perceptions qualité
réflexives.
Dans les situations les plus générales,
les perceptions qualité du producteur intègrent toujours ces perceptions qualité réflexives .
Lorsqu’un salarié réalise une tâche pour ses
collègues, son responsable hiérarchique, et des clients de l’entreprise, elle a
des effets directs et quelquefois en cascade sur ces acteurs socio-économiques.
Ces effets se répercutent sur lui sous des formes diverses. (Effets boomerangs)
mais sa production a aussi des effets réflexifs sur lui. Il porte un jugement sur la qualité globale de sa tâche en fonction de ces impacts sur lui de sa production .
Lorsque l’individu est un artiste, il réalise une
œuvre sans se préoccuper des autres acteurs qui sont susceptibles d’être
concernés. Il travaille pour lui. Il travaille pour produire des effets sur
lui. La qualité de son travail se réduit à une qualité réflexive.
Lorsque nos ancêtres chassaient pour se nourrir, ils attribuaient
certainement une qualité intrinsèque à leur chasse.
Cette
composante de la qualité est fortement présente dans l’art et l’artisanat. Elle
est particulièrement visible dans les comportements des compagnons du devoir,
ou des meilleurs ouvriers de France.
Le salarié dans l’entreprise attache toujours une
grande importance à la qualité réflexive de son travail. C’est une des
principales énergies qui lui permettent de réaliser les tâches qui lui sont
demandées.
Malheureusement certaines évolutions du
management de la qualité, à l’échelle de
l’entreprise, ont tendance à négliger cette composante essentielle de la
qualité.
On entend souvent dire qu’il faut
essentiellement concentrer son attention sur la satisfaction des clients. La
pression de la concurrence incite à cette attitude managériale. Il ne reste
alors plus de place pour la qualité réflexive des salariés. Le travail devient
alors « une corvée » dont il faut par tous les moyens réduire le
temps qui lui est consacré. Le salarié se place alors au titre de la qualité
dans une relation « maître –esclave », le maître étant le client.
Mais le salarié a besoin de produire de la
qualité réflexive pour être motivé dans son travail ;
Il est bien évident que cette qualité réflexive
doit être dosée en fonction de la situation dans laquelle se situe le salarié.
Elle reste cependant centrale, même si elle n’est aujourd’hui qu’une des
multiples composantes de la qualité globale de son travail.
Le salarié est aujourd’hui au cœur d’un empilement
de plus en plus grand de relations d’échanges. Il échange avec lui-même, et avec
les autres salariés de sa cellule de travail qui est intégrée à un ensemble de
structures plus vastes. Le nombre de parties prenantes de ses tâches est de
plus en plus grand. Il a l’impression d’avoir de plus en plus de mal à cerner
la qualité réflexive souhaitée de son travail, et certaines parties prenantes ont
des exigences contradictoires impossibles à satisfaire.
Il a alors tendance à porter un jugement
de plus en plus négatif sur la qualité réflexive de son travail.
Pour s’en sortir, il adopte très
naturellement, et en fonction de la culture qualité acquise, des tactiques qualité différentes avec lui,
et avec chacune des différentes parties prenantes de son travail. Contrairement
à ce que certains manageurs, ou responsables de services qualité peuvent
penser, les salariés, aujourd’hui, possèdent une forte culture qualité, mais
les priorités dans les différentes tactiques qualité des salariés ne coïncident
pas toujours avec les leurs.
On n’est pas confronté à une absence de
culture qualité dans les entreprises mais à un usage individuel de cette forte
culture qualité qui n’est pas toujours orientée dans le sens des tactiques
qualité explicites, mais encore trop souvent implicites, des dirigeants de
l’entreprise.
La question fondamentale qui est posée est
la suivante :
Quelle
place reste-t-il à la qualité réflexive, qui est la base du développement de
toutes les autres formes de production et d’usage de la qualité, dans cet
enchevêtrement de relations d’échanges que chaque salarié entretient
nécessairement avec son environnement ?
On peut facilement imaginer que des
pathologies nouvelles comme le « burn out » s’expliquent en partie
par une forte dégradation de la qualité intrinsèque des activités
professionnelles perçue par le malade.
Les pressions sociétales, externes à son
activité professionnelle, associées aux pressions de productivité, d’amélioration
permanente de la satisfaction des clients, et d’autres parties prenantes qui
sont de plus en plus nombreuses, provoquent une dégradation importante de la
qualité intrinsèque que le salarié attribue à son travail, et, en conséquence, une démotivation croissante qui l’incite à
trouver, hors de ce travail, les moyens de se revaloriser en exerçant des activités,
souvent bénévoles, auxquelles il attribue une qualité réflexive importante.
Les pressions normatives, de toutes sortes,
du management de la qualité ne font qu’amplifier cette situation.
Les managers aidés par les services
qualité et les DRH, devront se focaliser dans un avenir proche sur la
revalorisation de la qualité réflexive des activités professionnelles des
salariés pour permettre à l’entreprise de retrouver l’énergie nécessaire à son
développement.
Les entreprises qui se sont engagées dans
cette direction depuis quelques années obtiennent des résultats remarquables
malgré les crises qu’elles traversent.
Nous présenterons dans un prochain article
une méthode de diagnostic des « qualité réflexives » des
activités des salariés d’une entreprise.