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samedi 5 mars 2016


Replacer la qualité au cœur des enjeux économiques

 
Un nouveau courant de pensée émerge lentement, parmi les spécialistes de la qualité, pour recentrer la manière de s’en servir dans les entreprises, et lui redonner la place qu’elle doit occuper parmi les moyens qui favorisent leurs développements dans un environnement en profonde mutation. Cet article est une de nos contributions à ce courant.

Comme la signification du terme qualité est complexe, on peut en avoir des visions partielles différentes : vision sociale, (bien faire), vision marketing (satisfaire le client), vision rationnelle (se conformer à un plan, un référentiel, une maquette, etc.), vision technologique (bonne performance technique), etc.

Lorsqu’on cherche à produire, et utiliser la qualité, avec une finalité économique, ce qui est le cas de tout dirigeant d’entreprise, la qualité n’est plus, comme dans les visions précédentes, une fin en soi, mais un moyen pour que les échanges, entre l’entreprise et les acteurs économiques qui l’entourent, soient durablement les plus profitables possibles pour l’entreprise.

C’est cette vision que les dirigeants ont de la qualité. C’est une vision différente des précédentes, qui est moins séduisante, mais plus utile.

Le qualiticien passionné sait parfaitement que c’est cette vision qui doit primer dans l’entreprise. Mais sa passion ne peut pas l’empêcher de faire transpirer ses autres visions, plus nobles, dans ses discours et comportements. Il provoque alors un doute permanent chez les managers et autres salariés : « le qualiticien voudrait-il faire jouer un autre rôle principal à l’entreprise que celui de créer des retours sur investissement financiers toujours plus importants ? »

Ce doute est souvent un  prétexte, pour faire passer la qualité au second rang dans leurs décisions, et leurs actions.

Pour faire entrer la qualité dans cette finalité de l’entreprise, le qualiticien introduit les notions de coût de la non-qualité, et de coût d’obtention de la qualité, qui sont destinés à montrer aux dirigeants que le management de la qualité peut contribuer à l’amélioration de la productivité. Cette démarche, fort utile, réduit la qualité à sa composante rationnelle qui consiste à obtenir du premier coup un résultat conforme à un objectif défini par des spécifications mesurables. Elle va jusqu’à chercher à limiter le plus possible la criticité des risques de non-conformité en rendant plus robuste la configuration de l’entreprise, au risque de lui faire perdre sa capacité à profiter des évolutions de son environnement pour progresser.

La perception de ce danger amène certains spécialistes du management à véhiculer de nouveaux messages de rupture, reposant sur des termes séduisants comme : « agilité », ou « entreprise libérée ». Ces concepts, présentés comme innovants, reprennent en réalité des idées appliquées depuis plus de cinquante ans dans de nombreuses entreprises. (Certes sans doute pas assez nombreuses)

On pourrait penser que ces démarches sont utiles parce qu’elles vont accentuer l’évolution d’un plus grand nombre d’entreprises vers une exploitation plus efficiente des opportunités nées de l’évolution de leurs environnements socio-économiques.

Malheureusement les slogans véhiculés, choisis pour être plus facilement repérés au milieu d’une foule de préconisations, toujours plus impressionnantes, pour améliorer le management des entreprises, sont de plus en plus perçus comme des potions magiques dont le seul intérêt est d’enrichir les consultants. Ces démarches ne sont donc plus crédibles aux yeux des dirigeants.

On retrouve les travers qui ont provoqué, pendant de nombreuses années, un usage trop limité de la qualité pour améliorer les performances des entreprises. Ces styles de management ne sont pas des fins en soi universelles, mais éventuellement des moyens, parmi d’autres, pour faire progresser certaines entreprises dans certaines situations. Ils sont d’ailleurs présentés comme cela par leurs créateurs.

Tous ces messages ne font que masquer une idée simple : 

« un des principaux usages de la qualité est d’utiliser la manière dont la qualité des prestations de l’entreprise, offertes à ses différentes parties prenantes, est perçue et jugée par elles, pour obtenir en contrepartie les ressources de son développement dans un milieu instable qui est porteur de très nombreuses opportunités. »

En présentant ce mode d’usage de la qualité, par une communication qui voudrait faire rêver, en  donnant l’impression de révolutionner le management, on ne fait que le décrédibiliser aux yeux des dirigeants plongés dans les réalités quotidiennes, alors qu’il est une composante essentielle des apports de la qualité au développement des entreprises. 

Une fois de plus la qualité va perdre une part importante de son crédit alors qu’elle pourrait jouer un rôle capital dans cette période de profondes mutations.

Pourquoi les erreurs, que nous avons certainement contribué à produire dans le passé, par manque d’humilité, pour promouvoir la qualité, se reproduisent-elles à nouveau ? Comment les éviter ?

La qualité comme moyen,  peut remplir des fonctions d’usage très différentes suivant la nature des relations qui existent ou qui devraient exister entre l’entreprise et chacun des acteurs qui l’entourent. (Séduction, satisfaction, confiance, rentabilité, conformité, accessibilité, etc.)

Suivant les fonctions d’usage de la qualité, la nature des relations de l’entreprise avec ces acteurs, et leurs histoires, la production de la qualité prendra aussi des formes très différentes. On ne produit pas de la même manière la qualité en front office et en back office. Et en back office on ne produit pas la qualité de la même manière lorsqu’on s‘en sert dans une fabrication unitaire, ou en série, en conception, ou dans une démarche d’innovation. Enfin, la qualité n’est pas utilisée de la même manière lorsqu’on est en situation de monopole ou de concurrence exacerbée.

La production de la qualité doit aussi s’adapter à tous les styles de management. La qualité ne peut pas être un style de management. Les spécialistes de la qualité ne sont pas qualifiés pour être des donneurs de leçons en matière de management. Je m’oppose depuis toujours au concept véhiculé depuis trente ans en France, et seulement en France, qui est celui de « management par la qualité ». On ne manage pas par la qualité, on utilise la qualité dans son management.

On peut tenter de recourir à des modèles de la systémique générale pour essayer de trouver des repères communs à toutes ces formes d’usage et de production de la qualité. Ces modèles permettent de créer une culture commune, et des conventions entre les différents acteurs.

La maîtrise de la complexité passe par l’élaboration de tels modèles provisoires qui évoluent en permanence au fur et à mesure que les connaissances s’enrichissent. Les normes ISO 9000 entre dans cette catégorie de moyens.

Mais ces modèles ne peuvent qu’être des moyens pour se repérer et échanger avec les acteurs qui sont en relation avec l’entreprise. Il n’est pas possible de réduire la maîtrise de la complexité de la production et de l’usage de la qualité dans une entreprise à la conformité à un modèle. Sinon on perd une part essentiel de l’usage possible de la complexité de l’entreprise pour assurer sa survie ou son développement. De plus ces modèles peuvent être contestés, dans certaines circonstances, comme moyens pour produire et utiliser la qualité.

La norme, prise comme une exigence universelle, est un danger excessivement grave qui nuit considérablement à l’efficience de l’usage et de la production de la qualité par les entreprises.

Ce n’est pas la norme qui est un danger, mais l’usage collectif coercitif qui en est fait.

De la même manière la boîte à outils à utiliser pour réaliser ces différentes formes de productions est donc obligatoirement vaste et ne peut pas se réduire à une méthodologie universelle de type : « couteau suisse ».

Par exemple, de nombreuses critiques portent aujourd’hui sur les méthodes classiques de résolution des problèmes qui font depuis de nombreuses années partie de la boîte à outils du qualiticien. Elles reposent sur des mécanismes logiques simplistes qui ne peuvent pas guider la résolution des problèmes complexes que rencontrent le plus souvent les entreprises. Elles renvoient systématiquement à la même classe de causalité qui n’est qu’un petit échantillon des causalités possibles, et engendre des solutions d’une faible efficience, rapidement contestées.

L’approche systémique des problèmes, le reengineering, sont d’autres méthodes qui dans certaines situations peuvent être très efficaces.

Là encore, ce n’est pas la méthode qui est en cause mais l’universalité de sa prescription par les qualiticiens qui fait souvent sourire les techniciens et les ingénieurs, qui dans leurs spécialités, ont recours à des outils spécifiques plus sophistiqués.

Ces exemples montrent que la production et l’usage de la qualité dans les entreprises doivent se fondre le plus naturellement possible dans les processus de l’entreprise, et dans les relations que l’entreprise entretient avec ses parties prenantes. Ce n’est pas l’entreprise, organe économique d’une très grande complexité, qui doit se conformer aux modèles des qualiticiens, mais les qualiticiens qui doivent adapter leurs contributions aux spécificités de l’entreprise, pour valoriser ses atouts.

jeudi 26 novembre 2015

Marketing et Qualité


Il est toujours excessivement délicat d’aborder ce sujet. De nombreux débats publics houleux se sont déjà produits entre les spécialistes du marketing, et de la qualité.

Pour étudier les liens entre marketing et qualité, il faut se focaliser sur les échanges entre l’entreprise et les acteurs du marché visé par les biens ou services qu’elle produit. Pour mémoire, une démarche qualité peut s’appliquer, plus généralement,  à tous les échanges d’une entreprise avec son environnement.

Ces acteurs particuliers sont les consommateurs potentiels de ces biens ou services.

On peut définir le Marketing comme:
L’ensemble des actions qui ont pour objet de connaître, de prévoir et, éventuellement, de stimuler les besoins des consommateurs à l'égard des biens et des services et d'adapter les caractéristiques des prestations de l’entreprise et leur commercialisation aux besoins ainsi précisés.

De son côté, la qualité d’un bien ou d’un service, est un qualificatif synthétique qui découle d’un jugement global d’un consommateur (jugement qualité) qui s’établit à partir des critères élémentaires suivants. Ces critères varient en fonction des différentes étapes des échanges.

Ils peuvent se décrire de la manière suivante :

·         valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service;
·         rentabilité espérée des efforts à fournir pour se procurer le bien ou le service ;
·         niveau de confiance initial dans la capacité du système de production du bien ou du service à respecter les spécifications annoncées du bien ou du service ;
·         valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service au cours des échanges avec l’entreprise ;
·         niveau d’ajustement de la rentabilité espérée des efforts à fournir pour se procurer le bien ou le service  au cours des échanges avec l’entreprise ;
·         valeur attribuée aux variations de la confiance dans la capacité du système de production du bien ou du service à respecter les spécifications annoncées du bien ou du service ;
·         niveau de conformité constaté, du bien ou du service, aux spécifications annoncées
·         valeur attribuée aux facilités d’accès et d’usage du bien ou du service ;
·         valeur attribuée à la satisfaction perçue des usages réels du produit ou service comparée aux espoirs de satisfaction initiaux.
·         Rentabilité des efforts globaux fournis pour utiliser le bien ou le service

Une démarche qualité focalisée sur les consommateurs potentiels de biens ou de services peut se définir de la manière suivante :

Ensemble d’actions, qui agissent sur les jugements de la qualité des consommateurs de biens ou services de l’entreprise, pour assurer le maximum de chances de puiser, dans les échanges avec eux, les ressources dont elle a besoin.

Il est clair que si ces deux définitions sont admises, le marketing est une composante essentielle d’une  démarche qualité.

Une démarche qualité comporte trois grandes étapes :

La première étape consiste à provoquer, de la part des consommateurs potentiels, des jugements qualité prédictifs qui leur donnent l’envie de se procurer les biens ou services malgré les efforts qu’ils pensent devoir fournir : pour se conformer aux modes de rémunération attendus de l’entreprise, pour se les approprier et les utiliser, et malgré l’offre de la concurrence.

Les critères des jugements qualité prédictifs sont :
·         valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service;
·         rentabilité espérée des efforts à fournir pour se procurer le bien ou le service ;
·         niveau de confiance initial dans la capacité du système de production du bien ou du service à respecter les spécifications annoncées du bien ou du service ;

La deuxième étape consiste à provoquer des jugements qualité, au cours des échanges, qui maintiennent ou améliorent ces jugements qualité prédictifs sans diminuer les espérances de l’entreprise portant sur ses modes de rémunérations ;
 
Les critères des jugements qualité des consommateurs au cours des échanges des biens ou services en contrepartie de la rémunération de l’entreprise sont :
·         valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service;
·         ajustement de la rentabilité espérée des efforts à fournir pour se procurer le bien ou le service ;
·         valeur attribuée aux  éventuelles variations de la confiance dans la capacité du système de production du bien ou du service à respecter les spécifications annoncées du bien ou du service ;
·         niveau de conformité constaté, du bien ou du service, aux spécifications annoncées

La troisième étape est de vérifier que les jugements qualité finaux des consommateurs sont considérés par eux comme au moins aussi attractifs que leurs jugements qualité prédictifs et que l’entreprise a obtenu au moins les rémunérations attendues.

Les critères des jugements qualité finaux des consommateurs sont :
·         valeur attribuée aux facilités d’accès et aux modes d’usage du bien ou du service ;
·         valeur attribuée à la satisfaction perçue des usages réels du bien ou service comparée aux espoirs de satisfaction initiaux ;
·         Rentabilité des efforts globaux fournis pour utiliser le bien ou le service.

Les contributions du marketing à une démarche qualité peuvent se résumer dans le tableau suivant.

 
 
 
Fonctions
du marketing
 
Nature des contributions du marketing à une démarche qualité
 
 
Provoquer un jugement qualité prédictif
 
 
Provoquer un
jugement qualité en cours de mise à disposition
 
Vérifier la pertinence du
jugement qualité au cours, et à l’issue  de l’appropriation et de l’utilisation
 
Connaître les besoins
Susceptibles d’être couverts par le bien ou le service
valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Prévoir les besoins qui seront réellement  à couvrir
valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Stimuler des besoins latents
 
valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Contribuer au choix des caractéristiques du bien ou du service qui répondront aux besoins
 
 
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Contribuer aux scénarii des processus de commercialisation pour mettre en valeur ces caractéristiques
 
 
 
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Valider les impacts de ces caractéristiques sur les perceptions de satisfaction des besoins
 
 
valeur attribuée aux facilités d’accès et d’usage du bien ou du service 
 
valeur attribuée à la satisfaction perçue des usages réels du produit ou service comparée aux espoirs de satisfaction initiaux
 
Rentabilité des efforts globaux fournis pour utiliser le bien ou le service
 
 

 

 

 

jeudi 12 novembre 2015

Une innovation de qualité c’est quoi ?


La question est souvent posée, et la littérature fournit peu de réponses.
Deux concepts sont réunis : « qualité » et « innovation »
Rappelons la signification que nous donnons à ces deux termes.
Le concept de qualité
La qualité d’une activité, ou d’un état, est un qualificatif qui découle d’un jugement global qui résulte d’une synthèse de quatre jugements plus élémentaires portant sur  :
·    l’espérance d’une satisfaction, de la finalité de l’activité ou de l’état, qui justifie les efforts demandés pour en bénéficier ;
·       la confiance dans la capacité du système de production de l’activité ou de l’état à se conformer au descriptif de la finalité;
·       la conformité de la réalisation de l’activité ou de l’état au descriptif de la finalité ;
·       la confirmation des espoirs initiaux de satisfaction par la perception de l’activité ou de l’état, et de leurs effets.
Ce jugement peut être porté par toute personne concernée ou partie prenante de l’activité ou de l’état.
On appelle : « partie concernée » par une activité, ou un état tout acteur socio-économique conscient de l’existence de l’activité ou de l’état.
 
On distingue dans les parties concernées, les parties prenantes qui sont les acteurs qui misent sur l’activité, ou l’état  pour en retirer un bénéfice.
 
Et parmi les parties prenantes on distingue les producteurs de l’activité ou de l’état, des consommateurs.
 
Un consommateur, et un producteur d’une activité ou d’un état,  ne qualifient pas toujours de la même manière sa qualité. Deux consommateurs ne portent pas toujours le même « jugement qualité » sur une activité ou un état.

Un « jugement qualité » est un jugement porté par un acteur sur une activité ou un état qui permet de lui attribuer un certain qualificatif de qualité.

On peut facilement admettre que chaque partie concernée porte un jugement qualité qui lui est propre sur une activité ou un état. C’est vrai, en particulier, lorsqu’il s’agit d’une innovation.

Le concept d’innovation
Une innovation est une activité ou un état qui n’existait pas et qui apportent une réponse originale à des besoins
Elle résulte d’une mise en relation d’idées nouvelles avec des besoins et d’une matérialisation progressive de ces idées  guidée par une projection dans un futur très incertain,
·         de ses modes d’utilisation pour satisfaire des besoins,
·         des retours sur investissements.

La qualité d’une innovation

Comment utiliser ces définitions pour préciser le sens  à donner à la qualité d’une innovation ?

On peut définir la qualité attribuée à une innovation par une de ses parties prenantes comme le résultat de son jugement qualité de l’innovation.
 
La qualité attribuée par une partie prenante à une innovation est donc une synthèse :
  • de son espérance d’une certaine satisfaction des prestations que lui fournira le processus d’innovation qui justifie les efforts à produire pour en bénéficier ;
  •  de la confiance qu’elle attribue à  la capacité du système de production de l’innovation à se conformer au descriptif de sa finalité ;
  •  de la conformité constatée de l’innovation au descriptif de sa finalité ;
  •   de la confirmation de ses espoirs initiaux de satisfaction par la perception qu’elle a des prestations fournies par le processus d’innovation. 
  Toute partie concernée, et en particulier toute partie prenante, porte un jugement qualité qui lui est propre sur l’innovation.
La seule composante des jugements qualité qui a le plus de chance d’être commune à toutes les parties prenantes est :
 
La conformité constatée de l'évolution de la configuration de l’innovation au planning initial

Ce constat de conformité n’est pas toujours une condition nécessaire pour provoquer un jugement qualité attractif d’une partie prenante. Elles peuvent fort bien accepter des non-conformités à condition que leur satisfaction réponde ou dépasse leurs espérances.
La conformité, qui est une plateforme commune de satisfaction dans le cas d’une production en série d’un produit ou d’un service, n’a pas la même importance au niveau d’une innovation.

Si le but est d’utiliser la qualité comme moyen pour assurer le succès économique d’une innovation, il faut s’intéresser in fine aux jugements qualité des investisseurs du projet,  et ne considérer les jugements qualité des consommateurs potentiels ou réels de l’innovation, ainsi que ceux des autres parties prenantes, que comme des moyens pour provoquer des jugements qualité des investisseurs.

Si, au contraire, le but est d’utiliser la qualité d’une innovation pour apporter une réponse à un besoin de la Société, alors il faut s’intéresser in fine aux jugements qualité des représentants  de la Société  en charge de l’évaluation des réponses de l’innovation aux besoins pré identifiés.

Les deux points de vue peuvent converger lorsque les représentants de la Société font partie des investisseurs du projet. Dans ce cas les réponses de l’innovation aux besoins de la Société pré identifiés sont des retours sur investissement au même titre que les retombées économiques pour les investisseurs économiques.

Notre expérience dans le domaine des dispositifs médicaux innovants nous à placer à certains moments du côté des investisseurs économiques, et à d’autres moments du côté des représentants de la Société, en évitant les conflits d’intérêts.

On a pu observer que la situation peut sembler complexe lorsqu’un investisseur est un médecin qui dépense beaucoup d’énergie pour que l’innovation apporte une réponse efficiente à un besoin médical non couvert ou insuffisamment bien couvert, et qui est également impliqué économiquement dans l’entreprise qui incube le projet.

Cette « mixité » socio-économique est de plus en plus fréquente, notamment dans les écoles d’ingénieurs ou les universités. Le personnel de ces établissements est souvent un représentant de la Société (fonctionnaire) et un investisseur économique. Et c’est ce double statut qui permet le développement des innovations dans ces structures.

Cette situation n’est pas un handicap. Au contraire, ces investisseurs particuliers ont un double intérêt à miser dans une démarche d’innovation : un intérêt de service public, et un intérêt économique. Ces deux intérêts ne sont pas antinomiques, mais au contraire en synergie.

Liens entre qualité et succès d’une innovation

Certains jugements qualité des différentes parties prenantes d’un processus d’innovation sont nécessaires pour qu’elles acceptent de miser dans le projet, c’est-à-dire de fournir au projet les ressources dont il a besoin pour atteindre sa finalité.
 
Ces ressources conditionnent son succès.

On peut classer les différentes parties prenantes d’un processus d’innovation de la manière suivante :

Les bénéficiaires qui misent sur le projet :

·         l’incubateur du projet
·         les investisseurs du projet
·         les membres de l’équipe projet
·         les cotraitants et fournisseurs du projet

Les bénéficiaires qui miseront sur les prestations qui intégreront l’innovation :

      les acteurs du futur système de conception et de production des prestations qui intégreront l’innovation
      la chaîne d’acteurs du marché potentiel de l’innovation

Les régulateurs sociétaux : ils représentent les intérêts de la Société. Ils peuvent imposer des contraintes, ou être des « facilitateurs »

Les échanges entre le projet d’innovation et ses parties prenantes sont spécifiques à chaque partie prenante. L’innovation est la finalité du projet, mais il doit offrir en plus des prestations variées à toutes ses parties prenantes pour obtenir leurs contributions.
Le jugement qualité de chaque partie prenante porte donc, en partie, sur le déroulement général du processus d’innovation, mais aussi sur la manière dont le projet lui fournit la prestation personnelle attendue.

Les informations recueillies portant sur les jugements qualité « prédictifs » des acteurs du marché potentiel contribuent aux jugements de confiance attribués par les autres parties prenantes dans la capacité du système de production de l’innovation à se conformer au descriptif initial des prestations que le projet doit leur fournir.

Les jugements qualité des parties prenantes d’une innovation jouent évidemment un rôle capital dans son succès. (Voir mon livre : l’innovation réussie par la qualité éditions ISTE)

jeudi 13 août 2015

La qualité intrinsèque : nouveau vecteur de progrès


 
On appelle qualité réflexive d’une action l’appréciation de son « bien fait » par son auteur


Cette appréciation globale résulte d’un ensemble de perceptions du producteur qui peuvent se modéliser de la manière suivante :
 
Perceptions
·         d’espérances de satisfaction  personnelle;
·         de maîtrise des risques de perte de confiance  dans sa propre capacité à produire l’action conforme à ce qu'on  a prévu;
·         de conformité à ce qu'on  a prévu, pendant et à l’issue de l’action
·         de satisfaction  personnelle conforme à ce qu'on a espérances;

Ces différentes classes de perceptions sont appelées : perceptions qualité réflexives.

Dans les situations les plus générales, les perceptions qualité  du producteur intègrent toujours ces perceptions qualité réflexives .

Lorsqu’un salarié réalise une tâche pour ses collègues, son responsable hiérarchique, et des clients de l’entreprise, elle a des effets directs et quelquefois en cascade sur ces acteurs socio-économiques. Ces effets se répercutent sur lui sous des formes diverses. (Effets boomerangs) mais sa production a aussi des effets réflexifs sur lui. Il porte un jugement sur la qualité globale  de sa tâche en fonction de ces impacts sur lui de sa production .
 
Lorsque l’individu est un artiste, il réalise une œuvre sans se préoccuper des autres acteurs qui sont susceptibles d’être concernés. Il travaille pour lui. Il travaille pour produire des effets sur lui. La qualité de son travail se réduit à une qualité réflexive.
 
Lorsque nos ancêtres chassaient pour se nourrir, ils attribuaient certainement une qualité intrinsèque à leur chasse.
 
 Cette composante de la qualité est fortement présente dans l’art et l’artisanat. Elle est particulièrement visible dans les comportements des compagnons du devoir, ou des meilleurs ouvriers de France.
 
Le salarié dans l’entreprise attache toujours une grande importance à la qualité réflexive de son travail. C’est une des principales énergies qui lui permettent de réaliser les tâches qui lui sont demandées.
 
Malheureusement certaines évolutions du management de la  qualité, à l’échelle de l’entreprise, ont tendance à négliger cette composante essentielle de la qualité.
 
On entend souvent dire qu’il faut essentiellement concentrer son attention sur la satisfaction des clients. La pression de la concurrence incite à cette attitude managériale. Il ne reste alors plus de place pour la qualité réflexive des salariés. Le travail devient alors « une corvée » dont il faut par tous les moyens réduire le temps qui lui est consacré. Le salarié se place alors au titre de la qualité dans une relation « maître –esclave », le maître étant le client.

Mais le salarié a besoin de produire de la qualité réflexive pour être motivé dans son travail ;

Il est bien évident que cette qualité réflexive doit être dosée en fonction de la situation dans laquelle se situe le salarié. Elle reste cependant centrale, même si elle n’est aujourd’hui qu’une des multiples composantes de la qualité globale de son travail.

Le salarié est aujourd’hui au cœur d’un empilement de plus en plus grand de relations d’échanges. Il échange avec lui-même, et avec les autres salariés de sa cellule de travail qui est intégrée à un ensemble de structures plus vastes. Le nombre de parties prenantes de ses tâches est de plus en plus grand. Il a l’impression d’avoir de plus en plus de mal à cerner la qualité réflexive souhaitée de son travail, et  certaines parties prenantes ont des exigences contradictoires impossibles à satisfaire.

Il a alors tendance à porter un jugement de plus en plus négatif sur la qualité réflexive de son travail. 
 
Pour s’en sortir, il adopte très naturellement, et en fonction de la culture qualité acquise, des tactiques qualité différentes avec lui, et avec chacune des différentes parties prenantes de son travail. Contrairement à ce que certains manageurs, ou responsables de services qualité peuvent penser, les salariés, aujourd’hui, possèdent une forte culture qualité, mais les priorités dans les différentes tactiques qualité des salariés ne coïncident pas toujours avec les leurs.

On n’est pas confronté à une absence de culture qualité dans les entreprises mais à un usage individuel de cette forte culture qualité qui n’est pas toujours orientée dans le sens des tactiques qualité explicites, mais encore trop souvent implicites, des dirigeants de l’entreprise.
 
La question fondamentale qui est posée est la suivante :

Quelle place reste-t-il à la qualité réflexive, qui est la base du développement de toutes les autres formes de production et d’usage de la qualité, dans cet enchevêtrement de relations d’échanges que chaque salarié entretient nécessairement avec son environnement ?

On peut facilement imaginer que des pathologies nouvelles comme le « burn out » s’expliquent en partie par une forte dégradation de la qualité intrinsèque des activités professionnelles perçue par le malade.

Les pressions sociétales, externes à son activité professionnelle, associées aux pressions de productivité, d’amélioration permanente de la satisfaction des clients, et d’autres parties prenantes qui sont de plus en plus nombreuses, provoquent une dégradation importante de la qualité intrinsèque que le salarié attribue à son travail, et, en conséquence,  une démotivation croissante qui l’incite à trouver, hors de ce travail, les moyens de se revaloriser en exerçant des activités, souvent bénévoles, auxquelles il attribue une qualité réflexive importante.

Les pressions normatives, de toutes sortes, du management de la qualité ne font qu’amplifier cette situation.

Les managers aidés par les services qualité et les DRH, devront se focaliser dans un avenir proche sur la revalorisation de la qualité réflexive des activités professionnelles des salariés pour permettre à l’entreprise de retrouver l’énergie nécessaire à son développement.

Les entreprises qui se sont engagées dans cette direction depuis quelques années obtiennent des résultats remarquables malgré les crises qu’elles traversent.

Nous présenterons dans un prochain article une méthode de diagnostic des « qualité réflexives » des activités des salariés d’une entreprise.