Dès qu’on aborde aujourd’hui le
sujet de la compétitivité des entreprises, on présente l’innovation comme le
remède miracle.
Cette attitude est très
valorisante en termes de communication. Elle évite d’aborder les causes réelles
de manque de compétitivité qui ne sont pas politiquement correctes.
On traite le problème structurel
français de manque de compétitivité de nos entreprises en se projetant
aveuglément dans le futur en proposant des macro solutions qui consistent à
s’appuyer sur la Recherche et sur l’innovation.
On est loin de l’application des
méthodes classiques de résolution des problèmes préconisées depuis un siècle au
moins pour identifier les véritables causes des problèmes afin de les faire
disparaître.
On se borne à appliquer des
solutions, obligatoirement consensuelles, parce qu’elles s’expriment avec un
haut niveau d’abstraction, sans cibler des champs de causalité qui pourraient
sembler émettre des critiques à l’encontre de certains acteurs économiques ou
sociaux. Ces solutions sont de plus préconisées par des « experts »
qui sont des « scientifiques », donc qui seront les principaux
bénéficiaires des futurs investissements financiers réalisés sur fonds publics.
Pour justifier l’engagement des
Pouvoirs Publics dans la recherche d’une amélioration de la compétitivité des
entreprises, on parle de crédits de recherche, de pôles de compétitivité, de
fonds nationaux et régionaux pour le développement de l’innovation, etc. Ce
type d’argumentaire est très pratique car il a le mérite de clore, en général rapidement,
le débat sur ce sujet.
Les causes structurelles du
manque de compétitivité de nos entreprises sont connues. Les dirigeants des
entreprises ont massivement choisi : la délocalisation de leurs
entreprises pour faire disparaître celles sur lesquelles ils ne peuvent pas
agir et qui sont dues principalement aux coûts des politiques sociales en
France. Ils tentent également d’accroître la productivité pour compenser les
effets de ces causes, ce qui produit souvent une réduction des effectifs.
Une autre politique, moins
traumatisante, consiste à rechercher une augmentation de la valeur des produits
ou des services perçue par les clients, pour justifier un prix de vente plus
élevé, et maintenir ainsi des marges suffisantes tout en faisant émerger des
facteurs de différenciation par rapport à la concurrence qui renforcent la
compétitivité.
Cette autre politique, qui est
sous-jacente lorsqu’on parle d’innovation, peut mettre en valeur les atouts des
pays développés. Elle s’appuie essentiellement sur ce qu’on appelle communément
« la qualité perçue » des
produits et des services pour accroître la compétitivité des entreprises.
Mais on commet une grossière
erreur d’appréciation lorsqu’on pense d’une part que l’innovation résulte
obligatoirement de la recherche portant sur les nouvelles technologies, et
d’autre part que l’innovation est la principale ressource pour faire naître cette
qualité perçue.
La qualité perçue résulte des
impacts des produits ou des services sur un certain nombre de perceptions des
clients dont les plus importantes peuvent se regrouper en quatre grandes
classes :
· L’espérance de satisfaire des besoins par l’usage du
produit ou du service,
· L’espérance de pouvoir accéder à l’usage du
produit ou du service,
· L’espérance de rentabiliser les efforts à
fournir pour comprendre, se procurer, s’approprier, et utiliser le produit ou
le service ;
·
La confiance
dans la capacité du produit ou du service à se conformer aux performances
annoncées.
L’innovation joue ce rôle
lorsqu’elle séduit les clients des produits ou des services qui l’intègrent,
mais il existe bien d’autres moyens pour réaliser ces objectifs. Les produits
de luxe s’appuient souvent, au contraire, sur la « durabilité » de produits faiblement innovants pour
provoquer cette qualité perçue.
On constate aujourd’hui que de
nombreuses innovations restent sur « étagère » ou provoquent une
gadgétisation qui crée plus de fonctions « intempestives » que de
fonctions attractives sur les produits ou sur les services. Elles provoquent
également souvent une perte de fiabilité ou de disponibilité des produits ou
des services qui diminuent la qualité perçue au lieu de l’accroître.
Les enquêtes auprès des clients
montrent qu’aujourd’hui ils recherchent souvent des produits plus
« rustiques » robustes, et fiables, dont le « design » les valorise
socialement, sans être obligé de faire des efforts considérables pour accéder à
leur usage
L’accélération mal maîtrisée de
l’innovation par la recherche pour améliorer la compétitivité des entreprises
est une démarche qui risque de ne pas être économiquement et socialement très rentable.
Faut-il pour autant tuer
l’innovation ?
Bien sûr que non
Mais il faut tout d’abord « ne
pas mettre tous les œufs dans le panier de l’innovation ».
Une bonne écoute du marché permet
souvent de constater que des évolutions simples, et de bon sens, des produits
ou des services, ou de l’image de l’entreprise, peuvent produire une qualité
perçue différenciatrice largement suffisante pour redonner à l’entreprise le
niveau de compétitivité nécessaire à son développement. Mais l’écoute du
marché, le bon sens, le pragmatisme, le soutien personnalisé des entreprises,
sont des démarches tellement banales, qu’elles n’intéressent pas les grands
décideurs politiques. Or ce sont celles qui rapportent le plus ;
Et si l’innovation doit bien
évidemment être soutenue par les Pouvoirs Publics, ils doivent véritablement mettre
sous contrôle les processus qui vont du financement de la recherche orientée
vers le développement des innovations, jusqu’aux impacts sur la compétitivité
des entreprises qui les exploitent, afin de limiter les pertes en ligne qui
sont aujourd’hui considérables, et mettre en place de véritables indicateurs de
mesure de l’efficience des politiques publiques de promotion de l’innovation.
Ce qu’il faut assurer c’est une
augmentation de la qualité perçue des produits
par différents moyens, dont l’innovation, et ne plus considérer que
l’innovation est la seule piste pour renforcer la compétitivité de nos
entreprises