On observe une créativité abondante actuellement
dans le domaine de l’organisation des entreprises. Elle se traduit par de
nouvelles étiquettes séduisantes: agilité, innovation ouverte, entreprise
libérée, entreprise mollusque, etc.
On doit saluer la virtuosité du marketing
associé pour séduire les managers à la recherche de flexibilité, et d’une plus
grande adhésion des salariés aux objectifs des entreprises.
Si ces nouveaux concepts sont présentés
comme de véritables innovations disruptives, elles sont loin d’être qualifiées
au sens de l’assurance qualité. Une telle qualification est la conclusion d’essais
« cliniques » significatifs, d’une configuration de l’innovation qui
prouve qu’elle peut être intégrée à des modes de transformations des
organisations des entreprises qui conduisent à des effets socio-économiques, ayant
une probabilité acceptable de répondre à des besoins de flexibilité, et d’adhésion
du personnel, pour améliorer leurs performances.
On communique un peu vite sur des
créations qui n’ont pas fait l’objet de tests probants, et dont la
configuration des modes d’actions n’est pas stabilisée.
Il faut toujours encourager la créativité,
mais elle n’est pas souvent la source d’innovations réussies. Les données
statistiques actuelles montrent que le pourcentage de créations qui débouchent
sur des innovations réussies ne cesse de diminuer.
Il est dangereux de vendre une création,
en s’appuyant sur un marketing séduisant, avant que sa transformation en
innovation réussie ait eu lieu.
Tout le monde peut facilement imaginer une
nouvelle manière d’organiser l’entreprise, sa complexité facilite la création
de nouvelles configurations. Le développement rapide de nouvelles technologies
amplifie encore ces possibilités. On cherche à implanter partout ces nouvelles
technologies pour développer l’économie quitte à créer souvent artificiellement,
et donc non durablement, des besoins, par une forme de séduction artistique. La
création qui est une racine commune à l’art, à l’innovation, et à la recherche scientifique,
s’oriente actuellement plutôt, dans le domaine de l’organisation des
entreprises, vers l’art en cherchant à donner l’impression qu’il s’agit
d’innovation.
Tous ceux qui ont été confrontés aux
évolutions sociologiques, savent que la transformation réussie dans le domaine
social est un phénomène complexe très lent, et très relatif. Les nouvelles
technologies associées à une rupture créative, risquent de fortement, et
longuement, déstabiliser le corps social des entreprises avant de produire des
retours sur investissements. Attention aux apprentis sorciers. Un corps social
traumatisé provoque une perte de confiance durable du système de management.
Lorsqu’on enclenche une démarche
d’innovation en s’appuyant sur une création, les premières questions qui doivent
être posées sont :
·
Quels
sont les besoins non couverts, ou mal couverts, à satisfaire par la future
innovation ?
·
Quelle
valeur accorder à la satisfaction de ces besoins ?
·
Quels
sont les essais « cliniques » qui prouvent l’efficience de
l’innovation ?
Nous avons du mal à trouver toujours une
réponse à ces questions lorsqu’on étudie ces mouvements créatifs. Dans le
domaine de l’organisation des entreprises les mêmes questions doivent se poser, et des réponses pertinentes doivent
être apportées avant de qualifier les innovations et de les vendre aux
entreprises.
Notre message n’est pas destiné à rejeter
les nouvelles idées qui fleurissent dans le domaine de l’organisation des
entreprises, mais à suggérer de mieux vérifier leur efficience, et à inciter à préciser leur valeur ajoutée, avant d’en faire
des démarches qui « ringardisent », à juste titre, les anciens modes de management.
Les entreprises doivent savoir qu’elles
servent de cobayes et que les risques d’échecs produisant des effets
secondaires importants sont fortement probables.
On constate que toutes ces démarches sont
en grande partie orientées vers une volonté de développer le « bottom
up » et de réduire la lourdeur du « top down ». Ces évolutions
se justifient par les excès historiques des démarches managériales « top
down » multicouches qui avaient tendance à fossiliser les entreprises, et
qui éloignaient la décision de l’action.
Donc, oui les principes d’agilité, et
d’entreprises libérées, sont des approches intéressantes, mais il ne faut pas
oublier qu’une entreprise à besoin de systèmes décisionnels simultanément
orientés vers l’action, et vers la recherche d’une trajectoire optimale dans la
dynamique de son environnement socio-économique. Ces deux systèmes doivent
cohabiter le mieux possibles sans chercher à s’opposer ou à se neutraliser.
Et surtout la réalisation des tests
« cliniques », d’une taille suffisante, est nécessaire pour prouver
leur efficience avant de tout chambouler dans des entreprises que plusieurs
crises successives ont fragilisées.