Kant se pose déjà cette question dans :
« la critique de la raison pure »
Mais même actuellement, les
échanges entre spécialistes de la « qualité », confirment qu’il n’est
pas inutile de se poser cette question.
Les normes, et ouvrages divers, sur le
management de la qualité, ont longtemps donné l’impression que le but de toute
démarche qualité dans une entreprise est : « la satisfaction du
client. »
Il est surprenant d’entendre exprimée
cette finalité dans les entreprises à but lucratif qui utilisent les échanges
avec leurs clients pour faire du profit. Et pourtant elle émane souvent de la
bouche des responsables des services qualité de ces entreprises.
On pourrait penser que la finalité
réelle d’une démarche qualité dans de telles entreprises est de faire du profit en utilisant la satisfaction
des clients, et que les modes d’expressions de ces acteurs de l’entreprise se
focalisent sur la production de la qualité, en laissant implicites les retombées
attendues par l’entreprise des efforts réalisés pour cette production. Mais lorsqu’on cherche à faire préciser le fond de la pensée de ces
acteurs, on constate qu’il n’en est rien. Pour eux, la finalité ultime de la
qualité reste la satisfaction des clients, et que c'est également la finalité de
toute entreprise. Cette philosophie respectable, est souvent à l’origine des
difficultés relationnelles fondamentales entre les dirigeants et les
responsables des services qualité.
Influencés par ces collaborateurs, les dirigeants peuvent alors penser que
leur entreprise a un rôle moral et économique dans la Société, et que la
qualité est un moyen d’exercer le rôle moral. La démarche qualité au sein de
l’entreprise a alors un coût nécessaire qu’il faut limiter lorsque
l’entreprise ne dégage plus les marges suffisantes.
D’autres dirigeants pensent que
l’entreprise est destinée à faire des profits par tous les moyens dans le
respect des règles sociétales, et que son rôle social est essentiellement celui
de donner du travail à ses salariés, dans des conditions convenables, et de
leur permettre de percevoir un salaire à la hauteur de leurs contributions à la
valeur ajoutée de l’entreprise. La qualité devient alors uniquement un moyen
pour provoquer les échanges les plus fructueux avec le marché, dans un
environnement concurrentiel, régis par des règles nombreuses à respecter
systématiquement.
Ces dirigeants n’attendent pas que la
démarche qualité de leur entreprise serve à satisfaire les clients, mais
qu’elle permette d’utiliser, de la manière la plus efficiente, la qualité que
les clients de l’entreprise perçoivent, et d’une manière plus générale que
toutes les parties prenantes de l’entreprise perçoivent, pour générer des
échanges qui lui fournissent les ressources dont elle a besoin pour assurer son
avenir.
Cette vision moins idéaliste de la
qualité, est même souvent celle des dirigeants d’entreprises à buts non lucratifs, qui ont besoin de ressources pour
réaliser leur rôle social, et qui cherchent à utiliser la qualité dans les
échanges avec leurs parties prenantes pour les obtenir.
La vision de la qualité est alors plus
relative puisqu’il s’agit de satisfaire les parties prenantes à un niveau
suffisant pour assurer que leurs contributions à la vie de l’entreprise sont
conformes à ses besoins.
Il faut éviter de confondre ces deux
finalités de la qualité, ou laisser à chaque salarié le soin d’avoir sa propre
vision de la qualité. La production de la qualité est une œuvre collective qui
impose de partager la même vision.
Or on observe souvent des mélanges encore
plus variés de visions de la part des salariés d’une même entreprise qui sont
classées de la manière suivante par les spécialistes en sociologie du
travail :
·
« Vision
égocentrique » : réaliser un travail jugé par son auteur comme :
« bien fait » ;
·
« vision
normative » : se conformer à des règles pour assurer le résultat de
son travail ;
·
« vision
philanthropique » : satisfaire par tous les moyens le client ;
·
« vision
ingénieur » : utiliser l’organisation rationnelle la plus performante
pour produire une valeur mesurable annoncée ;
·
« vision
boomerang » : utiliser la satisfaction du client pour avoir les
moyens de réaliser ses ambitions.
Ces visions se généralisent à toute partie
prenante de l’entreprise.
Nos retours d’expériences nous incitent à
penser que ces mélanges de visions culturelles sont la principale source
d’inefficience des démarches qualité au sein des entreprises.
Et pour revenir à la question initiale, il
nous semble utopique de considérer que la production de la qualité dans une
entreprise peut être désintéressée. De même, qu’il faut que les responsables
des services qualité évitent d’énoncer que la satisfaction des clients a
toujours des retombées positives pour l’entreprise. George Akerlof, prix Nobel d’Economie, montre
que la surqualité peut être mortel pour une entreprise.
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