Rechercher dans ce blog

mardi 27 décembre 2016

La qualité peut-elle être désintéressée ?

Kant se pose déjà cette question dans : « la critique de la raison pure »

Mais même actuellement, les échanges entre spécialistes de la « qualité », confirment qu’il n’est pas inutile de se poser cette question.

Les normes, et ouvrages divers, sur le management de la qualité, ont longtemps donné l’impression que le but de toute démarche qualité dans une entreprise est : « la satisfaction du client. »

Il est surprenant d’entendre exprimée cette finalité dans les entreprises à but lucratif qui utilisent les échanges avec leurs clients pour faire du profit. Et pourtant elle émane souvent de la bouche des responsables des services qualité de ces entreprises.

On pourrait penser que la finalité réelle d’une  démarche qualité dans de telles entreprises est de faire du profit en utilisant la satisfaction des clients, et que les modes d’expressions de ces acteurs de l’entreprise se focalisent sur la production de la qualité, en laissant implicites les retombées attendues par l’entreprise des efforts réalisés pour cette production. Mais lorsqu’on cherche à faire préciser le fond de la pensée de ces acteurs, on constate qu’il n’en est rien. Pour eux, la finalité ultime de la qualité reste la satisfaction des clients, et que  c'est également la finalité de toute entreprise. Cette philosophie respectable, est souvent à l’origine des difficultés relationnelles fondamentales entre les dirigeants et les responsables des services qualité.
Influencés par ces collaborateurs, les dirigeants peuvent alors penser que leur entreprise a un rôle moral et économique dans la Société, et que la qualité est un moyen d’exercer le rôle moral. La démarche qualité au sein de l’entreprise a alors un coût nécessaire qu’il faut  limiter lorsque l’entreprise ne dégage plus les marges suffisantes.

D’autres dirigeants pensent que l’entreprise est destinée à faire des profits par tous les moyens dans le respect des règles sociétales, et que son rôle social est essentiellement celui de donner du travail à ses salariés, dans des conditions convenables, et de leur permettre de percevoir un salaire à la hauteur de leurs contributions à la valeur ajoutée de l’entreprise. La qualité devient alors uniquement un moyen pour provoquer les échanges les plus fructueux avec le marché, dans un environnement concurrentiel, régis par des règles nombreuses à respecter systématiquement.

Ces dirigeants n’attendent pas que la démarche qualité de leur entreprise serve à satisfaire les clients, mais qu’elle permette d’utiliser, de la manière la plus efficiente, la qualité que les clients de l’entreprise perçoivent, et d’une manière plus générale que toutes les parties prenantes de l’entreprise perçoivent, pour générer des échanges qui lui fournissent les ressources dont elle a besoin pour assurer son avenir.

Cette vision moins idéaliste de la qualité, est même souvent celle des dirigeants d’entreprises à buts non  lucratifs, qui ont besoin de ressources pour réaliser leur rôle social, et qui cherchent à utiliser la qualité dans les échanges avec leurs parties prenantes pour les obtenir.

La vision de la qualité est alors plus relative puisqu’il s’agit de satisfaire les parties prenantes à un niveau suffisant pour assurer que leurs contributions à la vie de l’entreprise sont conformes à ses besoins.
Il faut éviter de confondre ces deux finalités de la qualité, ou laisser à chaque salarié le soin d’avoir sa propre vision de la qualité. La production de la qualité est une œuvre collective qui impose de partager la même vision.

Or on observe souvent des mélanges encore plus variés de visions de la part des salariés d’une même entreprise qui sont classées de la manière suivante par les spécialistes en sociologie du travail :
·         « Vision égocentrique » : réaliser un travail jugé par son auteur comme : « bien fait » ;
·         « vision normative » : se conformer à des règles pour assurer le résultat de son travail ;
·         « vision philanthropique  » : satisfaire par tous les moyens le client ;
·         « vision ingénieur » : utiliser l’organisation rationnelle la plus performante pour produire une valeur mesurable annoncée ;
·         « vision boomerang » : utiliser la satisfaction du client pour avoir les moyens de réaliser ses ambitions.

Ces visions se généralisent à toute partie prenante de l’entreprise.

Nos retours d’expériences nous incitent à penser que ces mélanges de visions culturelles sont la principale source d’inefficience des démarches qualité au sein des entreprises.


Et pour revenir à la question initiale, il nous semble utopique de considérer que la production de la qualité dans une entreprise peut être désintéressée. De même, qu’il faut que les responsables des services qualité évitent d’énoncer que la satisfaction des clients a toujours des retombées positives pour l’entreprise.  George Akerlof, prix Nobel d’Economie, montre que la surqualité peut être mortel pour une entreprise.

jeudi 1 décembre 2016

La qualité et le syndrome « d’Akerlof »



Dans de nombreux secteurs d’activités, les produits ou les services représentent une part du pouvoir d’achat des consommateurs qui diminue progressivement, et à laquelle se substituent de nouvelles offres de consommation plus attractives. Les consommateurs continuent à vouloir consommer ces prestations, mais ne veulent plus leur consacrer une part aussi importante de leur pouvoir d’achat.

Cette situation affaiblit la valeur que les consommateurs attribuent à leurs perceptions de la qualité centrées sur : la satisfaction de besoins qui ne sont pas au cœur des fonctions d’usages principales des produits ou services, voir aux marques de confiance dans leurs aptitudes à se conformer aux performances annoncées. Par contre ils attachent de plus en plus d’importance à la facilité d’accès et d’usage, et au prix d’achat.

Il est alors de plus en plus difficile pour une entreprise de faire attribuer de la valeur, par les consommateurs, à des espérances de satisfaction de besoins non « primaires » et à un différentiel de garantie de conformité aux performances annoncées des produits ou des services. Les entreprises qui continuent à « faire de la qualité » en maintenant un bon niveau de satisfaction et de confiance qui se traduit par des prix de revient, donc de vente, plus élevés que la concurrence, sortent progressivement du marché. Cette disparition tire progressivement vers le bas ces deux composantes de la qualité sur le marché. Nous appelons cette situation le syndrome d’Akerlof.

Akerlof est un économiste américain qui a obtenu le prix Nobel et 2001 pour ses travaux sur l’asymétrie des informations dans les échanges économiques, et en particulier sur la disparition  de certaines entreprises du marché, par la production d’une qualité de leurs produits basée sur des espérances de satisfaction et de confiance, qui pèsent sur les prix de revient, et qui ne sont plus en phase avec l’évolution les principales attentes du marché qui se focalisent sur les prix  de vente pour accroître les volumes d’achat.

On dit encore que : « la qualité est tirée vers le bas ».

Il montre, en particulier, que ces situations provoquent progressivement une baisse globale du niveau de satisfaction et de confiance de ce type de produits mis sur le marché, jusqu’à ce qu’une entreprise trouve le moyen de faire attribuer à nouveau de la valeur par ses clients à la satisfaction de besoins anciens, et au respect des engagements annoncés. Elle commence alors par se développer sur une niche, et peut, si les besoins implicites sont suffisamment importants, et si elle sait « se faire entendre », s’ouvrir davantage le marché, et amener la concurrence à suivre cette initiative.

Ce syndrome « d’Akerlof »  peut toucher tous les secteurs d’activités.


Il montre qu’une démarche qualité ne doit pas se limiter à une course aveugle à la satisfaction des clients, mais au choix de tactiques « qualité » plus subtiles, adaptées au contexte socio-économique du marché, et à ses évolutions probables, et qui jouent sur les quatre piliers basiques des perceptions qualité: « Les perceptions SCAR » (Satisfaction, Confiance, Accessibilité, Rentabilité des efforts).