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vendredi 26 septembre 2014

Et si on confondait qualité et innovation ?


Dès qu’on aborde aujourd’hui le sujet de la compétitivité des entreprises, on présente l’innovation comme le remède miracle.

Cette attitude est très valorisante en termes de communication. Elle évite d’aborder les causes réelles de manque de compétitivité qui ne sont pas politiquement correctes.

On traite le problème structurel français de manque de compétitivité de nos entreprises en se projetant aveuglément dans le futur en proposant des macro solutions qui consistent à s’appuyer sur la Recherche et sur l’innovation.

On est loin de l’application des méthodes classiques de résolution des problèmes préconisées depuis un siècle au moins pour identifier les véritables causes des problèmes afin de les faire disparaître.

On se borne à appliquer des solutions, obligatoirement consensuelles, parce qu’elles s’expriment avec un haut niveau d’abstraction, sans cibler des champs de causalité qui pourraient sembler émettre des critiques à l’encontre de certains acteurs économiques ou sociaux. Ces solutions sont de plus préconisées par des « experts » qui sont des « scientifiques », donc qui seront les principaux bénéficiaires des futurs investissements financiers réalisés sur fonds publics.

Pour justifier l’engagement des Pouvoirs Publics dans la recherche d’une amélioration de la compétitivité des entreprises, on parle de crédits de recherche, de pôles de compétitivité, de fonds nationaux et régionaux pour le développement de l’innovation, etc. Ce type d’argumentaire est très pratique car il a le mérite de clore, en général rapidement, le débat sur ce sujet.

Les causes structurelles du manque de compétitivité de nos entreprises sont connues. Les dirigeants des entreprises ont massivement choisi : la délocalisation de leurs entreprises pour faire disparaître celles sur lesquelles ils ne peuvent pas agir et qui sont dues principalement aux coûts des politiques sociales en France. Ils tentent également d’accroître la productivité pour compenser les effets de ces causes, ce qui produit souvent une réduction des effectifs.

Une autre politique, moins traumatisante, consiste à rechercher une augmentation de la valeur des produits ou des services perçue par les clients, pour justifier un prix de vente plus élevé, et maintenir ainsi des marges suffisantes tout en faisant émerger des facteurs de différenciation par rapport à la concurrence qui renforcent la compétitivité.

Cette autre politique, qui est sous-jacente lorsqu’on parle d’innovation, peut mettre en valeur les atouts des pays développés. Elle s’appuie essentiellement sur ce qu’on appelle communément « la qualité perçue » des produits et des services pour accroître la compétitivité des entreprises.
 
Mais on commet une grossière erreur d’appréciation lorsqu’on pense d’une part que l’innovation résulte obligatoirement de la recherche portant sur les nouvelles technologies, et d’autre part que l’innovation est la principale ressource pour faire naître cette qualité perçue.

La qualité perçue résulte des impacts des produits ou des services sur un certain nombre de perceptions des clients dont les plus importantes peuvent se regrouper en quatre grandes classes :

·  L’espérance de satisfaire des besoins par l’usage du produit ou du service,

·  L’espérance de pouvoir accéder à l’usage du produit ou du service,

·  L’espérance de rentabiliser les efforts à fournir pour comprendre, se procurer, s’approprier, et utiliser le produit ou le service ;

·  La confiance dans la capacité du produit ou du service à se conformer aux performances annoncées.

L’innovation joue ce rôle lorsqu’elle séduit les clients des produits ou des services qui l’intègrent, mais il existe bien d’autres moyens pour réaliser ces objectifs. Les produits de luxe s’appuient souvent, au contraire, sur la « durabilité »  de produits faiblement innovants pour provoquer cette qualité perçue.

On constate aujourd’hui que de nombreuses innovations restent sur « étagère » ou provoquent une gadgétisation qui crée plus de fonctions « intempestives » que de fonctions attractives sur les produits ou sur les services. Elles provoquent également souvent une perte de fiabilité ou de disponibilité des produits ou des services qui diminuent la qualité perçue au lieu de l’accroître.

Les enquêtes auprès des clients montrent qu’aujourd’hui ils recherchent souvent des produits plus « rustiques » robustes, et fiables,  dont le « design » les valorise socialement, sans être obligé de faire des efforts considérables pour accéder à leur usage

L’accélération mal maîtrisée de l’innovation par la recherche pour améliorer la compétitivité des entreprises est une démarche qui risque de ne pas être économiquement et socialement très rentable.

Faut-il pour autant tuer l’innovation ?

Bien sûr que non

Mais il faut tout d’abord « ne pas mettre tous les œufs dans le panier de l’innovation ».

Une bonne écoute du marché permet souvent de constater que des évolutions simples, et de bon sens, des produits ou des services, ou de l’image de l’entreprise, peuvent produire une qualité perçue différenciatrice largement suffisante pour redonner à l’entreprise le niveau de compétitivité nécessaire à son développement. Mais l’écoute du marché, le bon sens, le pragmatisme, le soutien personnalisé des entreprises, sont des démarches tellement banales, qu’elles n’intéressent pas les grands décideurs politiques. Or ce sont celles qui rapportent le plus ;

Et si l’innovation doit bien évidemment être soutenue par les Pouvoirs Publics, ils doivent véritablement mettre sous contrôle les processus qui vont du financement de la recherche orientée vers le développement des innovations, jusqu’aux impacts sur la compétitivité des entreprises qui les exploitent, afin de limiter les pertes en ligne qui sont aujourd’hui considérables, et mettre en place de véritables indicateurs de mesure de l’efficience des politiques publiques de promotion de l’innovation.

Ce qu’il faut assurer c’est une augmentation de la qualité perçue des produits  par différents moyens, dont l’innovation, et ne plus considérer que l’innovation est la seule piste pour renforcer la compétitivité de nos entreprises