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jeudi 26 novembre 2015

Marketing et Qualité


Il est toujours excessivement délicat d’aborder ce sujet. De nombreux débats publics houleux se sont déjà produits entre les spécialistes du marketing, et de la qualité.

Pour étudier les liens entre marketing et qualité, il faut se focaliser sur les échanges entre l’entreprise et les acteurs du marché visé par les biens ou services qu’elle produit. Pour mémoire, une démarche qualité peut s’appliquer, plus généralement,  à tous les échanges d’une entreprise avec son environnement.

Ces acteurs particuliers sont les consommateurs potentiels de ces biens ou services.

On peut définir le Marketing comme:
L’ensemble des actions qui ont pour objet de connaître, de prévoir et, éventuellement, de stimuler les besoins des consommateurs à l'égard des biens et des services et d'adapter les caractéristiques des prestations de l’entreprise et leur commercialisation aux besoins ainsi précisés.

De son côté, la qualité d’un bien ou d’un service, est un qualificatif synthétique qui découle d’un jugement global d’un consommateur (jugement qualité) qui s’établit à partir des critères élémentaires suivants. Ces critères varient en fonction des différentes étapes des échanges.

Ils peuvent se décrire de la manière suivante :

·         valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service;
·         rentabilité espérée des efforts à fournir pour se procurer le bien ou le service ;
·         niveau de confiance initial dans la capacité du système de production du bien ou du service à respecter les spécifications annoncées du bien ou du service ;
·         valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service au cours des échanges avec l’entreprise ;
·         niveau d’ajustement de la rentabilité espérée des efforts à fournir pour se procurer le bien ou le service  au cours des échanges avec l’entreprise ;
·         valeur attribuée aux variations de la confiance dans la capacité du système de production du bien ou du service à respecter les spécifications annoncées du bien ou du service ;
·         niveau de conformité constaté, du bien ou du service, aux spécifications annoncées
·         valeur attribuée aux facilités d’accès et d’usage du bien ou du service ;
·         valeur attribuée à la satisfaction perçue des usages réels du produit ou service comparée aux espoirs de satisfaction initiaux.
·         Rentabilité des efforts globaux fournis pour utiliser le bien ou le service

Une démarche qualité focalisée sur les consommateurs potentiels de biens ou de services peut se définir de la manière suivante :

Ensemble d’actions, qui agissent sur les jugements de la qualité des consommateurs de biens ou services de l’entreprise, pour assurer le maximum de chances de puiser, dans les échanges avec eux, les ressources dont elle a besoin.

Il est clair que si ces deux définitions sont admises, le marketing est une composante essentielle d’une  démarche qualité.

Une démarche qualité comporte trois grandes étapes :

La première étape consiste à provoquer, de la part des consommateurs potentiels, des jugements qualité prédictifs qui leur donnent l’envie de se procurer les biens ou services malgré les efforts qu’ils pensent devoir fournir : pour se conformer aux modes de rémunération attendus de l’entreprise, pour se les approprier et les utiliser, et malgré l’offre de la concurrence.

Les critères des jugements qualité prédictifs sont :
·         valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service;
·         rentabilité espérée des efforts à fournir pour se procurer le bien ou le service ;
·         niveau de confiance initial dans la capacité du système de production du bien ou du service à respecter les spécifications annoncées du bien ou du service ;

La deuxième étape consiste à provoquer des jugements qualité, au cours des échanges, qui maintiennent ou améliorent ces jugements qualité prédictifs sans diminuer les espérances de l’entreprise portant sur ses modes de rémunérations ;
 
Les critères des jugements qualité des consommateurs au cours des échanges des biens ou services en contrepartie de la rémunération de l’entreprise sont :
·         valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service;
·         ajustement de la rentabilité espérée des efforts à fournir pour se procurer le bien ou le service ;
·         valeur attribuée aux  éventuelles variations de la confiance dans la capacité du système de production du bien ou du service à respecter les spécifications annoncées du bien ou du service ;
·         niveau de conformité constaté, du bien ou du service, aux spécifications annoncées

La troisième étape est de vérifier que les jugements qualité finaux des consommateurs sont considérés par eux comme au moins aussi attractifs que leurs jugements qualité prédictifs et que l’entreprise a obtenu au moins les rémunérations attendues.

Les critères des jugements qualité finaux des consommateurs sont :
·         valeur attribuée aux facilités d’accès et aux modes d’usage du bien ou du service ;
·         valeur attribuée à la satisfaction perçue des usages réels du bien ou service comparée aux espoirs de satisfaction initiaux ;
·         Rentabilité des efforts globaux fournis pour utiliser le bien ou le service.

Les contributions du marketing à une démarche qualité peuvent se résumer dans le tableau suivant.

 
 
 
Fonctions
du marketing
 
Nature des contributions du marketing à une démarche qualité
 
 
Provoquer un jugement qualité prédictif
 
 
Provoquer un
jugement qualité en cours de mise à disposition
 
Vérifier la pertinence du
jugement qualité au cours, et à l’issue  de l’appropriation et de l’utilisation
 
Connaître les besoins
Susceptibles d’être couverts par le bien ou le service
valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Prévoir les besoins qui seront réellement  à couvrir
valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Stimuler des besoins latents
 
valeur attribuée aux espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Contribuer au choix des caractéristiques du bien ou du service qui répondront aux besoins
 
 
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Contribuer aux scénarii des processus de commercialisation pour mettre en valeur ces caractéristiques
 
 
 
valeur attribuée aux variations d’espérances de satisfaction des usages envisagées du bien ou du service
 
 
Valider les impacts de ces caractéristiques sur les perceptions de satisfaction des besoins
 
 
valeur attribuée aux facilités d’accès et d’usage du bien ou du service 
 
valeur attribuée à la satisfaction perçue des usages réels du produit ou service comparée aux espoirs de satisfaction initiaux
 
Rentabilité des efforts globaux fournis pour utiliser le bien ou le service
 
 

 

 

 

jeudi 12 novembre 2015

Une innovation de qualité c’est quoi ?


La question est souvent posée, et la littérature fournit peu de réponses.
Deux concepts sont réunis : « qualité » et « innovation »
Rappelons la signification que nous donnons à ces deux termes.
Le concept de qualité
La qualité d’une activité, ou d’un état, est un qualificatif qui découle d’un jugement global qui résulte d’une synthèse de quatre jugements plus élémentaires portant sur  :
·    l’espérance d’une satisfaction, de la finalité de l’activité ou de l’état, qui justifie les efforts demandés pour en bénéficier ;
·       la confiance dans la capacité du système de production de l’activité ou de l’état à se conformer au descriptif de la finalité;
·       la conformité de la réalisation de l’activité ou de l’état au descriptif de la finalité ;
·       la confirmation des espoirs initiaux de satisfaction par la perception de l’activité ou de l’état, et de leurs effets.
Ce jugement peut être porté par toute personne concernée ou partie prenante de l’activité ou de l’état.
On appelle : « partie concernée » par une activité, ou un état tout acteur socio-économique conscient de l’existence de l’activité ou de l’état.
 
On distingue dans les parties concernées, les parties prenantes qui sont les acteurs qui misent sur l’activité, ou l’état  pour en retirer un bénéfice.
 
Et parmi les parties prenantes on distingue les producteurs de l’activité ou de l’état, des consommateurs.
 
Un consommateur, et un producteur d’une activité ou d’un état,  ne qualifient pas toujours de la même manière sa qualité. Deux consommateurs ne portent pas toujours le même « jugement qualité » sur une activité ou un état.

Un « jugement qualité » est un jugement porté par un acteur sur une activité ou un état qui permet de lui attribuer un certain qualificatif de qualité.

On peut facilement admettre que chaque partie concernée porte un jugement qualité qui lui est propre sur une activité ou un état. C’est vrai, en particulier, lorsqu’il s’agit d’une innovation.

Le concept d’innovation
Une innovation est une activité ou un état qui n’existait pas et qui apportent une réponse originale à des besoins
Elle résulte d’une mise en relation d’idées nouvelles avec des besoins et d’une matérialisation progressive de ces idées  guidée par une projection dans un futur très incertain,
·         de ses modes d’utilisation pour satisfaire des besoins,
·         des retours sur investissements.

La qualité d’une innovation

Comment utiliser ces définitions pour préciser le sens  à donner à la qualité d’une innovation ?

On peut définir la qualité attribuée à une innovation par une de ses parties prenantes comme le résultat de son jugement qualité de l’innovation.
 
La qualité attribuée par une partie prenante à une innovation est donc une synthèse :
  • de son espérance d’une certaine satisfaction des prestations que lui fournira le processus d’innovation qui justifie les efforts à produire pour en bénéficier ;
  •  de la confiance qu’elle attribue à  la capacité du système de production de l’innovation à se conformer au descriptif de sa finalité ;
  •  de la conformité constatée de l’innovation au descriptif de sa finalité ;
  •   de la confirmation de ses espoirs initiaux de satisfaction par la perception qu’elle a des prestations fournies par le processus d’innovation. 
  Toute partie concernée, et en particulier toute partie prenante, porte un jugement qualité qui lui est propre sur l’innovation.
La seule composante des jugements qualité qui a le plus de chance d’être commune à toutes les parties prenantes est :
 
La conformité constatée de l'évolution de la configuration de l’innovation au planning initial

Ce constat de conformité n’est pas toujours une condition nécessaire pour provoquer un jugement qualité attractif d’une partie prenante. Elles peuvent fort bien accepter des non-conformités à condition que leur satisfaction réponde ou dépasse leurs espérances.
La conformité, qui est une plateforme commune de satisfaction dans le cas d’une production en série d’un produit ou d’un service, n’a pas la même importance au niveau d’une innovation.

Si le but est d’utiliser la qualité comme moyen pour assurer le succès économique d’une innovation, il faut s’intéresser in fine aux jugements qualité des investisseurs du projet,  et ne considérer les jugements qualité des consommateurs potentiels ou réels de l’innovation, ainsi que ceux des autres parties prenantes, que comme des moyens pour provoquer des jugements qualité des investisseurs.

Si, au contraire, le but est d’utiliser la qualité d’une innovation pour apporter une réponse à un besoin de la Société, alors il faut s’intéresser in fine aux jugements qualité des représentants  de la Société  en charge de l’évaluation des réponses de l’innovation aux besoins pré identifiés.

Les deux points de vue peuvent converger lorsque les représentants de la Société font partie des investisseurs du projet. Dans ce cas les réponses de l’innovation aux besoins de la Société pré identifiés sont des retours sur investissement au même titre que les retombées économiques pour les investisseurs économiques.

Notre expérience dans le domaine des dispositifs médicaux innovants nous à placer à certains moments du côté des investisseurs économiques, et à d’autres moments du côté des représentants de la Société, en évitant les conflits d’intérêts.

On a pu observer que la situation peut sembler complexe lorsqu’un investisseur est un médecin qui dépense beaucoup d’énergie pour que l’innovation apporte une réponse efficiente à un besoin médical non couvert ou insuffisamment bien couvert, et qui est également impliqué économiquement dans l’entreprise qui incube le projet.

Cette « mixité » socio-économique est de plus en plus fréquente, notamment dans les écoles d’ingénieurs ou les universités. Le personnel de ces établissements est souvent un représentant de la Société (fonctionnaire) et un investisseur économique. Et c’est ce double statut qui permet le développement des innovations dans ces structures.

Cette situation n’est pas un handicap. Au contraire, ces investisseurs particuliers ont un double intérêt à miser dans une démarche d’innovation : un intérêt de service public, et un intérêt économique. Ces deux intérêts ne sont pas antinomiques, mais au contraire en synergie.

Liens entre qualité et succès d’une innovation

Certains jugements qualité des différentes parties prenantes d’un processus d’innovation sont nécessaires pour qu’elles acceptent de miser dans le projet, c’est-à-dire de fournir au projet les ressources dont il a besoin pour atteindre sa finalité.
 
Ces ressources conditionnent son succès.

On peut classer les différentes parties prenantes d’un processus d’innovation de la manière suivante :

Les bénéficiaires qui misent sur le projet :

·         l’incubateur du projet
·         les investisseurs du projet
·         les membres de l’équipe projet
·         les cotraitants et fournisseurs du projet

Les bénéficiaires qui miseront sur les prestations qui intégreront l’innovation :

      les acteurs du futur système de conception et de production des prestations qui intégreront l’innovation
      la chaîne d’acteurs du marché potentiel de l’innovation

Les régulateurs sociétaux : ils représentent les intérêts de la Société. Ils peuvent imposer des contraintes, ou être des « facilitateurs »

Les échanges entre le projet d’innovation et ses parties prenantes sont spécifiques à chaque partie prenante. L’innovation est la finalité du projet, mais il doit offrir en plus des prestations variées à toutes ses parties prenantes pour obtenir leurs contributions.
Le jugement qualité de chaque partie prenante porte donc, en partie, sur le déroulement général du processus d’innovation, mais aussi sur la manière dont le projet lui fournit la prestation personnelle attendue.

Les informations recueillies portant sur les jugements qualité « prédictifs » des acteurs du marché potentiel contribuent aux jugements de confiance attribués par les autres parties prenantes dans la capacité du système de production de l’innovation à se conformer au descriptif initial des prestations que le projet doit leur fournir.

Les jugements qualité des parties prenantes d’une innovation jouent évidemment un rôle capital dans son succès. (Voir mon livre : l’innovation réussie par la qualité éditions ISTE)

jeudi 13 août 2015

La qualité intrinsèque : nouveau vecteur de progrès


 
On appelle qualité réflexive d’une action l’appréciation de son « bien fait » par son auteur


Cette appréciation globale résulte d’un ensemble de perceptions du producteur qui peuvent se modéliser de la manière suivante :
 
Perceptions
·         d’espérances de satisfaction  personnelle;
·         de maîtrise des risques de perte de confiance  dans sa propre capacité à produire l’action conforme à ce qu'on  a prévu;
·         de conformité à ce qu'on  a prévu, pendant et à l’issue de l’action
·         de satisfaction  personnelle conforme à ce qu'on a espérances;

Ces différentes classes de perceptions sont appelées : perceptions qualité réflexives.

Dans les situations les plus générales, les perceptions qualité  du producteur intègrent toujours ces perceptions qualité réflexives .

Lorsqu’un salarié réalise une tâche pour ses collègues, son responsable hiérarchique, et des clients de l’entreprise, elle a des effets directs et quelquefois en cascade sur ces acteurs socio-économiques. Ces effets se répercutent sur lui sous des formes diverses. (Effets boomerangs) mais sa production a aussi des effets réflexifs sur lui. Il porte un jugement sur la qualité globale  de sa tâche en fonction de ces impacts sur lui de sa production .
 
Lorsque l’individu est un artiste, il réalise une œuvre sans se préoccuper des autres acteurs qui sont susceptibles d’être concernés. Il travaille pour lui. Il travaille pour produire des effets sur lui. La qualité de son travail se réduit à une qualité réflexive.
 
Lorsque nos ancêtres chassaient pour se nourrir, ils attribuaient certainement une qualité intrinsèque à leur chasse.
 
 Cette composante de la qualité est fortement présente dans l’art et l’artisanat. Elle est particulièrement visible dans les comportements des compagnons du devoir, ou des meilleurs ouvriers de France.
 
Le salarié dans l’entreprise attache toujours une grande importance à la qualité réflexive de son travail. C’est une des principales énergies qui lui permettent de réaliser les tâches qui lui sont demandées.
 
Malheureusement certaines évolutions du management de la  qualité, à l’échelle de l’entreprise, ont tendance à négliger cette composante essentielle de la qualité.
 
On entend souvent dire qu’il faut essentiellement concentrer son attention sur la satisfaction des clients. La pression de la concurrence incite à cette attitude managériale. Il ne reste alors plus de place pour la qualité réflexive des salariés. Le travail devient alors « une corvée » dont il faut par tous les moyens réduire le temps qui lui est consacré. Le salarié se place alors au titre de la qualité dans une relation « maître –esclave », le maître étant le client.

Mais le salarié a besoin de produire de la qualité réflexive pour être motivé dans son travail ;

Il est bien évident que cette qualité réflexive doit être dosée en fonction de la situation dans laquelle se situe le salarié. Elle reste cependant centrale, même si elle n’est aujourd’hui qu’une des multiples composantes de la qualité globale de son travail.

Le salarié est aujourd’hui au cœur d’un empilement de plus en plus grand de relations d’échanges. Il échange avec lui-même, et avec les autres salariés de sa cellule de travail qui est intégrée à un ensemble de structures plus vastes. Le nombre de parties prenantes de ses tâches est de plus en plus grand. Il a l’impression d’avoir de plus en plus de mal à cerner la qualité réflexive souhaitée de son travail, et  certaines parties prenantes ont des exigences contradictoires impossibles à satisfaire.

Il a alors tendance à porter un jugement de plus en plus négatif sur la qualité réflexive de son travail. 
 
Pour s’en sortir, il adopte très naturellement, et en fonction de la culture qualité acquise, des tactiques qualité différentes avec lui, et avec chacune des différentes parties prenantes de son travail. Contrairement à ce que certains manageurs, ou responsables de services qualité peuvent penser, les salariés, aujourd’hui, possèdent une forte culture qualité, mais les priorités dans les différentes tactiques qualité des salariés ne coïncident pas toujours avec les leurs.

On n’est pas confronté à une absence de culture qualité dans les entreprises mais à un usage individuel de cette forte culture qualité qui n’est pas toujours orientée dans le sens des tactiques qualité explicites, mais encore trop souvent implicites, des dirigeants de l’entreprise.
 
La question fondamentale qui est posée est la suivante :

Quelle place reste-t-il à la qualité réflexive, qui est la base du développement de toutes les autres formes de production et d’usage de la qualité, dans cet enchevêtrement de relations d’échanges que chaque salarié entretient nécessairement avec son environnement ?

On peut facilement imaginer que des pathologies nouvelles comme le « burn out » s’expliquent en partie par une forte dégradation de la qualité intrinsèque des activités professionnelles perçue par le malade.

Les pressions sociétales, externes à son activité professionnelle, associées aux pressions de productivité, d’amélioration permanente de la satisfaction des clients, et d’autres parties prenantes qui sont de plus en plus nombreuses, provoquent une dégradation importante de la qualité intrinsèque que le salarié attribue à son travail, et, en conséquence,  une démotivation croissante qui l’incite à trouver, hors de ce travail, les moyens de se revaloriser en exerçant des activités, souvent bénévoles, auxquelles il attribue une qualité réflexive importante.

Les pressions normatives, de toutes sortes, du management de la qualité ne font qu’amplifier cette situation.

Les managers aidés par les services qualité et les DRH, devront se focaliser dans un avenir proche sur la revalorisation de la qualité réflexive des activités professionnelles des salariés pour permettre à l’entreprise de retrouver l’énergie nécessaire à son développement.

Les entreprises qui se sont engagées dans cette direction depuis quelques années obtiennent des résultats remarquables malgré les crises qu’elles traversent.

Nous présenterons dans un prochain article une méthode de diagnostic des « qualité réflexives » des activités des salariés d’une entreprise.

 

 

 

mardi 30 juin 2015

Mon nouveau livre

J'ai le plaisir de vous annoncer la publication de mon nouveau livre :

Competitive quality and innovations

aux éditions ISTE

http://www.iste.co.uk/index.php?f=a&ACTION=View&id=839

Il est également diffusé par les éditions WILEY

Ce livre présente les démarches les plus récentes introduites dans les entreprises pour mettre le management de la qualité au service du succès des innovations.

Il n'hésite pas à revenir sur certaines définitions et concepts pour les préciser afin de mieux les utiliser.

Il précise également les modèles qui peuvent guider toute démarche d'innovation.

Il montre enfin comment un service qualité peut agir dans ces démarches sans perturber la nécessaire créativité qui est à l'origine de la valeur ajoutée d'une innovation.




mercredi 17 juin 2015

La qualité c’est quoi ?

J’ai constaté, encore récemment, que lorsqu’on veut embarrasser, par exemple, un auditoire de qualiticiens, ou de chefs d’entreprises, il suffit de poser la question : « pour vous la qualité c’est quoi ? ». Les têtes se baissent. On dérange visiblement. Et pourtant ce sont les acteurs chargés de la promotion de la production et de l’usage de la qualité dans l’entreprise.

Il y a une deuxième question qui dérange aussi les dirigeants et qui est la suivante : « comment vous assurez-vous que les indicateurs qualité qu’on vous propose représentent la réalité de votre entreprise ».

Nous aborderons une autre fois ce sujet. Revenons sur le sens du mot qualité.

On utilise souvent des « gros mots » à la mode pour discourir sur la qualité, ce qui rend son approche artificiellement complexe et ce qui fait fuir les non-initiés.

Nous allons essayer de décrire le plus simplement possible ce qu’est la qualité.

La qualité est une certaine perception d’une action faite par soi-même ou par une autre entité humaine.

C’est une perception du « bien fait », c’est-à-dire du « fait » comme on voudrait que ce soit fait.

Le « on » peut être une entité humaine  qui fait ou qui observe, ou utilise, ce qui est fait, ou le résultat de ce qui est fait.

On perçoit que c’est « comme on voudrait que ce soit fait », en captant et en interprétant des informations émises par l’action ou son résultat qui permettent de comparer ce qui se fait, ou ce qui est fait, à ce qu’on voulait voir « se faire » ou « être fait »

Pour faire comme on voudrait que ce soit fait :
• On définit ce qu’on attend du bien fait. Qu’est ce qu’on peut gagner si c’est bien fait ?
• On se représente ce qu’on voudrait qui soit bien fait. Quels sont les repères qui permettent d’affirmer que c’est bien fait ?
• On vérifie la capacité de bien faire. Les moyens mobilisés pour bien faire sont-ils adaptés ?
• On surveille si on fait bien. Est-ce qu’on est en train de bien faire ?
• On vérifie qu’on obtient bien ce qu’on attend du bien fait. Est-ce qu’on a gagné ce qu’on a envisagé ?
• On cherche à mieux satisfaire nos besoins par un mieux faire. Comment pourrait-on  gagner plus si c’était mieux fait ?

Le « bien faire » nécessite des efforts. On n’accepte de les produire que si on espère en retirer un bénéfice.
Il faut donc prévoir comment on souhaite bénéficier de ce qu’on a « bien fait ».

La production de la qualité est un jeu avec une mise et une espérance de gain.

Lorsque l’entité qui fait, est différente de celle qui bénéficie de ce qui se fait, les perceptions de ce qui est fait peuvent être différentes d’une entité à l’autre. C’est très souvent le cas, car les modes de pensée, et d’action, du producteur sont différents de ceux qui utilisent ce qui est fait.

Ce que le producteur voudrait qui soit fait n’est pas toujours ce que voudrait l’utilisateur même lorsqu’il existe des conventions explicites, ou implicites, dans les modes relationnels entre les deux acteurs en présence.

Mais lorsque les deux acteurs portent un jugement sur la qualité de ce qui se fait, ou a été fait, qui les satisfait, ils attachent peu d’importance à leurs différences de perceptions. Quelquefois, au contraire ils les apprécient. C’est le cas d’une innovation de rupture réussie.

Dans les relations « donneurs d’ordres, fournisseurs » les cahiers des charges fonctionnels et techniques sont des plateformes qui limitent les différences de perceptions liés aux différences des modes de pensée et d’action.

Le jeu de la qualité de chaque acteur d’une relation d’échanges est la recherche d’un jugement suffisant, par l’autre, de la qualité de ce qu’on lui offre, pour obtenir de sa part ce qu’on souhaite.

On sort des expressions souvent philanthropiques qui disent que : « faire de la qualité c’est satisfaire le client ».

lundi 1 juin 2015

Un diagnostic sociologique de la dégradation de la production de la qualité


C’est une problématique qu’il est difficile d’aborder sereinement sans passer pour un défenseur inconditionnel des salariés, ou au contraire pour un « vendu » aux chefs d’entreprises.

La contribution d’un salarié à la production de la qualité dans l’entreprise nécessite une forte croyance de sa part dans la possibilité de  « se réaliser » par son travail.

On peut encore exprimer cette évidence par le slogan :

Produire de la qualité impose des efforts qui doivent produire aussi le plaisir recherché pour les fournir.

Lorsqu’on cherche à étudier les situations sociales qui freinent la  production de la qualité au sein d’une entreprise, on observe toujours les mêmes facteurs.

La diminution du temps de travail, l’accès permanent à l’extérieur de l’entreprise par des moyens de plus en plus performants de communication, la croissance des difficultés rencontrées par les salariés dans leur vie privée, l’appartenance de plus en plus faible à une coalition d’intérêts représentée par l’entreprise, un management inconsciemment anti-qualité, sont autant de facteurs préjudiciables à la production de la qualité et souvent ils s’accumulent.

Lorsque la vie privée devient plus prégnante que la vie professionnelle, le salarié est obligé de penser plus à sa vie privée qu’à son travail. Le travail devient un obstacle à la bonne réalisation de sa vie privée.

Le temps passé à la vie privée devient tel qu’on ne peut plus l’oublier pendant son travail. Le travail devient un accessoire destiné à alimenter les ressources nécessaires à la vie privée. C’est de plus en plus une contrainte inévitable. Le salarié préfère « se réaliser » dans sa vie privée, qu’il pense mieux maîtriser que sa vie professionnelle.

Le salarié peut plus facilement continuer à réaliser certaines activités de sa vie privée pendant son travail grâce  aux moyens modernes de communication. Ces attitudes sont souvent la cause de la  non qualité qu’il produit. Elles produisent une perte de concentration sur le travail.

 L’entreprise cherche à compenser ses pertes de productivité liées à la diminution du temps de travail par une accélération du rythme de travail qui devient incompatible avec la production de la qualité. La croissance et l’accélération des flux d’informations dans l’entreprise inondent les salariés d’informations qu’ils n’arrivent plus à exploiter. Ils ont l’impression de surfer sur des vagues d’informations.

Les restructurations permanentes font disparaître la notion de territoire d’appartenance de l’entreprise pour le salarié, et de coalition d’intérêts. L’entreprise devient un lieu de passage où on vient faire son marché.

La volonté d’assurer la qualité produite par des normes organisationnelles et comportementales parachutées sans coproduction avec les salariés chargés de les appliquer, et non qualifiées, accroît la perte de sens du travail. Ces normes sont trop souvent appliquées par un recours intempestif à des procédures, souvent naïves, difficilement applicables, et déconnectées de la réalité complexe de l’entreprise. Cette situation complète l’arsenal de démotivation des salariés.

Les systèmes d’évaluation de salariés sont souvent conçus davantage pour faciliter leur exploitation informatique que pour créer une dynamique de progrès.

Les efforts nécessaires pour produire la qualité produisent certains effets positifs immédiats lorsque l’entreprise possède une culture managériale adaptée, et d’autres à plus long terme.

Mais actuellement, la gestion à court terme des entreprises sous la pression d’un environnement volatile, fait perdre au management ses réflexes de valorisation permanente des salariés par la reconnaissance de la qualité qu’ils produisent. Quant au retour sur investissement à long terme, c’est un objectif qui n’est plus crédible.

Une mise sous contrôle des salariés conçue comme seule source d’évaluation, et non exploitée comme source de progrès partagés, vient souvent compléter ce diagnostic multi causale de la production de plus en plus fréquente d’une non qualité masquée, qui coûte très chère à l’entreprise, sans qu’elle s’en aperçoive. Cette maladie chronique, sans douleurs apparentes, risque à terme de tuer l’entreprise.

La partie invisible de l’iceberg de la non qualité s’accroît malgré les outils informatiques de plus en plus sophistiqués de mesure des coûts de la non qualité.

Tout le monde dans l’entreprise sent la fumée, mais les détecteurs de la signalent pas. Le feu couve. Quand l’incendie se propage il est trop tard.

Même si ce diagnostic fait l’effet d’un diagnostic génétique qui  annonce une maladie qui se produira à un certain âge et qu’on ne sait pas soigner, il est nécessaire pour mettre à jour une prise de conscience collective qui n’ose pas s’exprimer.

On dit qu’un problème bien posé est à moitié résolu. J’espère avoir contribué à commencer à le poser.

Il existe heureusement de nombreuses entreprises qui ont su s’immuniser contre ces sources de non qualité. Ce ne sont pas toujours celles qui mettent le plus en vitrine leurs performances dans ce domaine.

Comme pour de nombreuses maladies les remèdes existent sûrement dans la nature. Encore faut-il les trouver.